Le droit de l’entreprise s’arrête-t-il au choix de la forme juridique de la société ?

Le « droit de l’entreprise » est parfois assimilé, dans l’esprit des étudiants, à un  simple comparatif sur les différentes formes juridiques de sociétés. Les seuls éléments juridiques, qui sont étudiés, portent sur la distinction entre SARL et SAS. Après une rapide comparaison théorique, le choix de la SARL est retenu, puisque c’est la forme la plus souvent rencontrée chez les concurrents…

            Dans ce contexte, il faut approfondir l’analyse au regard de la situation réelle visée. En effet, il n’existe pas de bonne ou mauvaise structure juridique, mais un choix adapté aux stratégies et aux prévisions du créateur d’entreprise. En outre, une analyse juridique réaliste et utile d’un projet ne peut se cantonner au choix de la forme de l’entreprise. Il est certain que pour éviter de futurs contentieux des démarches de protection juridique sont nécessaires, voire primordiales (I). Néanmoins, il convient d’appréhender le droit non pas comme un simple outil administratif mais également comme un moyen de développement et même une source d’opportunités professionnelles (II).

I) Des démarches de protection juridique nécessaires

            La protection de l’activité professionnelle par la souscription de différentes assurances permet d’aborder sereinement l’amorçage de l’activité (A). En parallèle, Les créations intellectuelles de l’entreprise doivent être protégées pour assurer un développement à long terme de l’activité (B).

A) La souscription d’assurances

            Suivant les secteurs d’activités, certaines assurances peuvent être obligatoires (constructions immobilières…) ou à défaut facultatives, mais non dénuées d’intérêt. En pratique, les assurances facultatives sont parfois négligées par des créateurs d’entreprise soucieux d’optimiser les coûts afférents à la création. Dans ce contexte, une présentation des principales couvertures d’assurances s’avère utile pour éclairer l’entrepreneur :

  • L’assurance responsabilité civile professionnelle. Elle couvre les conséquences des erreurs ou négligences relatives à l’exécution des services rendus. Des garanties optionnelles adaptées à l’activité du professionnel sont également accessibles.  Par exemple, la garantie exploitation qui couvre les dommages survenant dans les locaux de l’entreprise ; ou encore la garantie du risque après livraison qui couvre les conséquences d’un défaut lié au bien.
  • La police d’assurance RCMS (Responsabilité Civile des Mandataires Sociaux). Elle couvre les dirigeants contre certaines fautes de gestion ou encore de conséquences pécuniaires liées aux procédures collectives (redressement ou liquidation judiciaire).
  • L’assurance complémentaire santé de l’entrepreneur. Oubliée ou négligée par certains créateurs qui estiment ne jamais être malades… À titre indicatif, une hospitalisation dans un service spécialisé à 2500 euros par jour, peut coûter au patient sans mutuelle plus de 500 euros par jour.
  • L’assurance perte d’exploitation. Elle couvre les conséquences d’un sinistre important subi par l’entreprise grâce au versement d’une indemnité compensatrice.

      En tout état de cause, il est nécessaire de bien étudier les contrats relatifs aux assurances envisagées afin d’identifier les exclusions de garantie. L’entrepreneur aura alors toute latitude pour effectuer une évaluation coût/avantage afin de s’engager contractuellement de manière réellement éclairée.

B) La protection du capital immatériel

            La propriété intellectuelle permet de protéger des créations de l’esprit de natures différentes. Cette distinction entre la nature des œuvres entraîne une distinction quant aux règles applicables à chaque création. Ainsi au niveau national, est protégé par :

  • le brevet, une invention nouvelle d’application industrielle
  • les dessins et modèles, les créations esthétiques
  • la marque, les signes distinctifs
  • le droit d’auteur, toute création considérée comme originale

            On peut souligner qu’une même création peut cumuler les protections si elle remplit les conditions dans chaque cas. Néanmoins, des coûts supplémentaires apparaîtront nécessairement, en particulier pour une vision internationale. Le créateur doit donc évaluer les démarches opportunes en adéquation avec ses ambitions et le budget alloué à cette protection.

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En tout cas, lorsque le projet est encore en phase de maturation, un dépôt d’horodatage (ex : enveloppe Soleau, coût de 15 euros) permettra de dater la formalisation de l’idée. En parallèle, des recherches d’antériorité à l’identique mais également par similarité seront nécessaires pour éviter des actions en contrefaçon interrompant brusquement un projet de création.

            D’autre part, le développement de l’internet a entraîné l’essor du commerce électronique et donc de la création de sites virtuels. Dans ce contexte, Le « droit de l’internet » représente une matière complexe et pluridisciplinaire faisant appel à des connaissances juridiques transversales : droit des contrats, droit de la propriété intellectuelle, droit de la consommation ou encore droit international.

Un audit juridique en amont de la publication du site internet s’avère donc indispensable.

Enfin, une question importante subsiste pour le créateur après avoir effectué toutes ces démarches :

Qui assurera la veille juridique régulière (voire quotidienne) face aux créations des tiers ?

II) Le droit au service du développement de l’entreprise

            La veille juridique démontre bien que le droit n’est pas un simple outil cantonné à des démarches de protection globale. Les décisions stratégiques de l’entrepreneur doivent être prises en connaissance des règles juridiques applicables, notamment pour sécuriser les rapports avec les partenaires et les clients (A). Enfin, la matière juridique apparaît comme une source d’opportunités professionnelles, pour les entrepreneurs qui savent anticiper les conséquences des évolutions législatives (B).

A) La sécurisation des rapports avec les tiers

            Les rapports entre professionnels sont régis principalement par les règles contractuelles. Les clauses abusives ne sont pas reconnues dans ce type de relations. Avant de s’engager définitivement, l’entrepreneur devra analyser la portée des clauses auxquelles il s’engage, en particulier si le contrat est rédigé par le futur partenaire contractuel.

            Au surplus, un entrepreneur qui souhaite répondre à un appel d’offres d’un service public, doit au préalable avoir connaissance des règles de droit administratif afférentes.

            Enfin, dans le cadre de relations internationales, le contrat peut fixer la loi applicable ainsi que la juridiction compétente. A priori anodines, les conséquences de ces choix peuvent s’avérer lourdes en cas de conflit ultérieur.

            Afin de développer son activité, l’entrepreneur pourra faire appel à des intermédiaires commerciaux dont les statuts et les règles juridiques diffèrent sensiblement. Par exemple, l’agent commercial est un travailleur indépendant alors que le VRP (Voyageur, Représentant, Placier) a le statut de salarié. La concession exclusive est un contrat par lequel un fournisseur réserve l’exclusivité de ses produits à un commerçant, en contrepartie ce dernier s’engage à s’approvisionner exclusivement chez le fournisseur. Ou encore, le contrat de franchise porte principalement sur la transmission d’un savoir-faire ainsi que l’usage d’une marque.

            L’entrepreneur sera également amené à embaucher des salariés et/ ou suivre des stagiaires en période d’observation pédagogique. Le droit du travail, de par son importance pour tout type de poste dans l’entreprise, doit faire l’objet d’un développement complet durant le cursus scolaire.

            Enfin, le droit de la consommation, permet au professionnel, ayant connaissance de la matière, d’optimiser ses stratégies de communication. Ainsi, la commercialisation de produits pourra être valorisée à travers des normes reconnues plus ou moins contraignantes à respecter. Une publicité comparative respectueuse des règles juridiques aura un impact certain sur le public. Ou encore, des soldes pourront permettre de liquider un stock encombrant en cours d’année.

B) Le droit, une source d’opportunités professionnelles

            La matière juridique est en évolution constante pour s’adapter à notre société. Dans certains domaines (par exemple en droit d’auteur) on assiste même à une sorte d’« inflation législative ». Ce contexte peut permettre l’ouverture de nouveaux marchés pour les professionnels avisés. Ainsi, la légalisation des jeux d’argent en ligne a été anticipée par certains opérateurs plus de deux ans auparavant. La réforme du permis de conduire a engendré le développement d’activités de récupération de points. De nouvelles structures d’aide à la création d’entreprises sont apparues avec la mise en place du statut d’auto-entrepreneur. Actuellement, des sociétés travaillent sur le chargeur universel pour téléphone portable suite aux nouvelles normes fixées par la Commission européenne, …

            Afin d’appréhender le droit comme une source d’opportunités professionnelles, il est nécessaire d’assurer une veille juridique constante par rapport aux secteurs envisagés. Contrairement aux idées reçues, le droit n’est pas réservé aux juristes et donc la veille juridique non plus. C’est pourquoi certains étudiants, à l’issue de leur cursus pédagogique, voire en parallèle de leur scolarité, ont déjà développé des activités liées à des réformes législatives (par exemple des structures d’aide à la création d’entreprises ou encore des activités de récupération de points pour le permis de conduire).

            Le « droit de l’entreprise » représente donc un ensemble vaste de matières qui ne doit pas effrayer par l’ampleur des connaissances à détenir. En effet, il apparaît difficile pour un professionnel d’être compétent dans toutes les branches du droit évoquées. Néanmoins, ce dernier doit avoir conscience des enjeux juridiques de ses décisions. De plus, il doit savoir chercher l’information juridique au moment opportun et pouvoir la comprendre. Il évitera ainsi de potentiels contentieux et pourra même profiter des possibilités offertes par l’évolution du droit.

Par Johann FLEUTIAUX, le 26 mars 2013